Le ballet Olympique / The Olympic ballet / 奥林匹克芭蕾


Le Ballet Olympique


Le Fonds Coste de la Bibliothèque Municipale de Lyon conserve un exemplaire du livret édité lors de la représentation du ballet intitulé Les Jeux Olympiques, spectacle représenté le 27 mai 1714 au Collège de la Sainte Trinité de Lyon devant un parterre d’officiels composé de prévôts, d’échevins et de notables de la ville.

Si le livret de 12 pages ne nous donne malheureusement pas une idée de ce qu’avaient pu être la musique et la chorégraphie, il laisse toutefois apparaître des informations précieuses quant aux motivations du choix du sujet. Rappelons qu’en ce début de XVIIIe siècle, le site d’Olympie gisait encore sous une épaisse couche de terre quelque part dans le Péloponnèse; toutes traces matérielles de la prestigieuse compétition antique étant perdues depuis le Xe siècle de notre ère. En 1714 donc, les Jeux Olympiques, au même titre que l’Atlantide, n’existaient qu’à travers les récits de poètes, de philosophes et d’historiens grecs et romains. C’est dans cette situation, à mi-chemin entre l’Histoire et la Mythologie, que les jésuites de Lyon décident de composer et de mettre en scène le ballet Les Jeux Olympiques, structuré en trois actes : Le Concours des Peuples (acte I), Les Jeux (acte II) et Les Récompenses (acte III).

Signalons aussi que ce spectacle de 1714 est l’une des plus anciennes références artistiques sur l’olympisme, avant même que le poète Métastase (1698-1782) ne compose l’Olympiade, poème mis en musique entre autres par Vivaldi en 1734, et bien avant encore que Pierre de Coubertin ne décide de leur restauration en 1894.

Pour bien saisir l’intérêt de ce ballet, il est nécessaire d’établir un bref rappel du rôle et de l’objectif du théâtre jésuite à cette époque. Né de la Contre-Réforme, le théâtre, dans les collèges jésuites, du XVIIe siècle et jusqu’à la dissolution de l’ordre en 1762, tient une place importante dans le processus de formation. Les jésuites pensent la totalité de leur enseignement en voyant le théâtre comme le couronnement des études, comme la formation suprême aux futures responsabilités. Plusieurs étapes ponctuent la formation dans le collège jésuite : la récitation, la déclaration, la disputation et enfin la représentation théâtrale. Dans la représentation théâtrale, le ballet joue un rôle important, en particulier avec la maîtrise d’une multitude d’éléments artistiques tels que les costumes, les décors et la machinerie. Les pièces et les arguments écrits par les pères jésuites se réfèrent toujours à une actualité et reposent sur le principe de l’allégorie. Le but ultime de cette formation est la maîtrise du corps, l’initiation à l’histoire antique, l’initiation à l’histoire nationale et la dramatisation d’un exemple moral. Mais en quoi le thème des Jeux Olympiques peut-il satisfaire toutes les fonctions de la représentation théâtrale du collège des jésuites ?

Le thème du ballet Les Jeux Olympiques créé au collège des jésuites de Lyon en 1714 répond tout d’abord aux exigences des jésuites dans le concept de la maîtrise du corps. Il est vrai qu’avec ce ballet, l’élève est à la fois confronté à la danse et aux épreuves physiques suggérées par le thème des concours à Olympie. Les exercices physiques chorégraphiés du saut, de la lutte ou de la course de char, indiqués par les didascalies du ballet, enrichissent considérablement cet enseignement autour de la maîtrise du corps.

Deuxièmement, l’initiation à l’histoire ancienne est plus qu’évidente. Les références mythologiques abondent avec les noms des personnages. Toutefois, conformément à l’époque, les divinités du panthéon grec sont dans leurs majorités romanisées, à l’exception d’Apollon. C’est ainsi que sur scène prennent place Hercule, Jupiter ou Mars. Par-delà les références mythologiques, l’initiation à l’histoire ancienne est complétée par l’évocation de l’histoire des Jeux Olympiques. Certaines parties du ballet trahissent d’ailleurs les sources de références, tirées en partie de la Description de la Grèce de Pausanias et des Helléniques de Xénophon (en particulier lors de l’affrontement des Éléens et Pisiens dans les scènes 5 et 6 de l’acte I). A ce titre, le ballet apparaît comme un moyen ludique de réviser ses grands classiques grecs ! Des détails historiques et géographiques très précis sont même exposés comme la fondation des Jeux par Héraclès, la description du site antique d’Olympie (bord de l’Alphée), les cultes (Jupiter = Zeus), la trêve, les compétitions, les récompenses, le retour victorieux des olympionikes, la périodicité, le calendrier olympique comme calendrier conventionnel pour les Grecs, et l’idée de rassemblement des Grecs. Toutefois, dans le chapitre introductif du livret du ballet, intitulé « Sujet de la Tragédie », les auteurs précisent : « Nous n’écrivons pas l’Histoire, c’est une tragédie que nous faisons. Ainsi, à quelques circonstances près, le reste est exact. Il n’y a même pas un personnage de notre invention ». Car loin de se limiter aux seuls Jeux Olympiques, le ballet mélange allègrement, mais non sans une belle figure de style, le voyage d’Ulysse et l’épisode de la Guerre de Troie en une tragédie représentée le même soir. Après la maîtrise du corps et l’initiation à l’histoire ancienne, le ballet Les Jeux Olympiques est aussi une initiation à l’histoire nationale.

La référence historique n’est autre que la personnalité et le règne du roi de l’époque, Louis XIV. Ce ballet est joué en 1714, soit un an avant la mort du souverain. 1714 correspond également au début de la construction de la statue équestre de Louis XIV au centre de la place royale (actuelle place Bellecour). Cette actualité a servi de prétexte au sujet de la pièce comme le souligne l’avant-propos du ballet : « Comme il n’y a que les grands événements qui puissent fournir l’occasion aux grands spectacles, il n’y a aussi que les grands hommes qui puissent donner les grands spectacles et exprimer les grands événements ». Les jésuites ont donc eu pour désir de trouver un sujet à la hauteur de l’événement (construction de la statue équestre) et à la dimension de l’Homme (Louis XIV), et leur choix s’est porté sur les Jeux Olympiques tant leur prestige est encore important. De plus, l’argument du ballet fait l’association entre la paix liée à la célèbre trêve sacrée des Jeux d’Olympie et la paix recherchée par Louis XIV : « Peut-on trouver une Allégorie plus noble et plus naturelle pour célébrer la paix si désirée que nous a donné le plus grand des Rois, pour représenter la cérémonie de la distribution des Prix, que l’on doit à la liberté de nos Magistrats ».

Les allégories permettent enfin de dramatiser les exemples moraux, dernier élément caractéristique du théâtre chez les jésuites. D’un point de vue dramaturgique, deux clans s’affrontent dans le ballet Les Jeux Olympiques (acte II). D’un côté les valeurs de l’Ordre, de la Justice et de la Paix, personnifiées par Jupiter et Mercure. De l’autre le Désordre et la Guerre à travers les personnages des fainéants, des voleurs et des chiromanciens. Parallèlement, l’affrontement des Éléens et Pisiens (cf. Xénophon, Helléniques) met en exergue l’exemple moral de la paix et de la tranquillité. Seuls les meilleurs et les plus justes ont le droit à la victoire, la gloire et la renommée (Acte III). Ainsi le sujet des Jeux Olympiques s’intègre parfaitement aux diverses exigences liées à la représentation théâtrale chez les jésuites. Il est aussi révélateur du prestige et des connaissances historiques des Jeux d’Olympie au début du XVIIIe siècle en France.

Terminons enfin sur un point fondamental du système de représentation du ballet, à savoir les acteurs. Les didascalies fonctionnelles du livret précisent que 29 acteurs sont intervenus dans la pièce. Bien sûr, l’ensemble des comédiens sont des garçons, l’enseignement chez les jésuites n’étant pas ouvert aux femmes (d’ailleurs, la liste des comédiens en dernière page du livret le confirme). Or, parmi les personnages, il y a des allégories féminines comme La Gloire, La Renommée, La Victoire, La Justice, La Paix, Les Discordes, Les Furies, L’Immortalité ainsi que Iris et les Muses. Le travestissement a donc été nécessaire. D’ailleurs, cette exclusivité masculine dans le théâtre jésuite n’est pas sans un certain rapport avec celle des Jeux Olympiques de l’Antiquité… où seuls les hommes étaient appelés à concourir. Mais la fidélité historique s’arrête là, puisque l’on imagine mal en effet les écoliers du Grand Collège de la Compagnie de Jésus apparaître nus sur scène, à l’image des anciens athlètes grecs du stade d’Olympie…

Sylvain BOUCHET – article publié dans le BMO LYON – Tous droits réservés



Publication en librairie

Le ballet "Les Jeux Olympiques", joué dans les collèges jésuites, d'abord en Avignon en 1707 puis à Lyon en 1714, est remarquable à plus d'un titre.

La présente édition comprend pour la première fois en fac-similé les deux livrets du ballet, ainsi que des notes critiques et historiques s'articulant autour de la problématique suivante : "Comment dans une même composition, se rejoignent le prestige des Jeux Olympiques antiques, la grandeur d'un monarque comme Louis XIV, et le système d'enseignement des Jésuites ?".

En partant du texte original, l'auteur, dévoile scène par scène, la dramaturgie du ballet (sources antiques, erreurs historiques), et donne l'occasion de s'immerger dans l'histoire des Jeux Olympiques de l'Antiquité.


"Les Jeux Olympiques chez les jésuites"
Éditions Michel Chomarat, Lyon, 2009

CONFÉRENCE
Les Jeux Olympiques à Lyon, histoire d'un ballet, il y a 300 ans.
Lundi 12 mai 2014


PUBLICATION, par Sylvain BOUCHET
Les Jeux Olympiques chez les Jésuites
Éditions Chomarat, Lyon, 2009

 

Bravo aux étudiantes en danse de l'Université de Nîmes pour avoir fait renaître l'esprit de ce ballet dans la perspective des Jeux Olympiques de Paris 2024.



Déployé dans le cadre du Plan Héritage des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 de FFSU, l'Appel à Projet annuel "Dansons vers 2024" a pour ambition d'engager les #étudiants dans la dynamique olympique et paralympique par des créations chorégraphiques en lien avec ces thématiques.

Cette intention d'insuffler une culture Olympique et Paralympique chez les étudiants et futurs étudiants se traduit concrètement par l'utilisation du corps en mouvement, comme moyen d'expression de la force du mouvement Olympique et Paralympique au travers de son histoire, de ses valeurs et de ses symboles, ou comme démonstration d'un nouveau sport olympique : le breaking.

Argument artistique:
Le processus de création s’appuie sur un ouvrage de Sylvain Bouchet historien spécialiste en jeux olympiques. « Le Ballet des Jeux Olympiques »; ce Ballet fut créé à Lyon en 1714, alors que commençait la construction de la statue équestre de Louis XIV place Bellecour, par les élèves du Collège jésuite de Lyon qui décidèrent de réaliser un spectacle dansé sur un thème digne de leur monarque : les Jeux Olympiques. En trois actes : le concours des peuples / la préparation, les jeux, les récompenses. La chorégraphie suivra cette chronologie.

Les jeux modernes utilisent également des cérémonies d’ouverture avec de la danse et offre des jeux artistiques aux spectateurs. Phillipe Decouflé avec sa cérémonie des JO d'hiver d'Albertville de 1992 se transformait en une fête poétique, haute en couleurs. La danse contemporaine offre la liberté, les danseurs de TÆNIA sont des danseurs libres. La singularité est importante pour trouver sa place dans le groupe. Les formes exprimées, accumulées dans un espace commun, symbole de l’inconscient collectif, se confrontent au processus du désir viscérale de créer. Affranchissement de l’homme par rapport aux autres et à la société, à travers ses choix délibérés et libre de sa volonté. Affranchissement de l’individu au sein de la collectivité, par la séparation, l’opposition ou la différenciation. Libre à l’état "vital" de l’expression.

Taenia (chorégraphie L. FOURNIER pour 19 danseuses, réalisation vidéo service audiovisuel Unîmes )

Site Université de Nîmes

 
The Olympic ballet

In 1714 a ballet called Les Jeux Olympiques was performed in Lyon in the city's Jesuit College. It provided the pupils with an opportunity to work on texts by ancient authors such as Pausanias and Xenophon. Structured in three acts, the ballet tells the story of the preparations for the ancient games, some of the competitions such as jumping, wrestling and chariot-racing, and the award ceremony for the victorious athletes. It was the convention for a ballet or play to be performed by the pupils every year, but the choice of the Olympic Games as the theme was highly symbolic at that time. That year saw the start of construction of the equestrian statue of king Louis XIV in the Place Royale (now the Place Bellecour). At a time when the allegorical was highly prized, what more prestigious event than the Olympic Games was there to pay homage to the Sun King?


奥林匹克芭蕾

1714年,里昂的耶稣教会学校创作了一出名叫“奥林匹克运动会”的芭蕾舞剧,为的是促进学生学习如鲍赛尼亚色诺芬等古代作家的作品。整个芭蕾舞剧由3幕构成,描述了古代运动会的筹备工作及其中的一些比赛场景(例如:跳高,摔跤和马车比赛),以及获奖运动员的颁奖仪式。当时,每年学生们演的奥运题材的芭蕾舞剧或话剧都颇具象征意义。当年还在皇家广场(现为白莱果广场)建造了路易十四的骑马雕像,。虽然此举备受争议,但还有比奥林匹克运动会更能表达对太阳王的敬意的吗?