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Pavillon du Brésil aux Jeux Olympiques de Londres
(photo: Sylvain Bouchet) |
Alors que la ville de
Rio de Janeiro (Brésil)
organisera les prochains Jeux Olympiques d’été en 2016 ; revenons un
siècle plus tôt, lorsque Pierre de Coubertin, alors Président du CIO, tentait
de tisser des liens avec le nouveau continent.
(English follows french text)
PIERRE DE COUBERTIN, AMBASSADEUR DE L'AMÉRIQUE LATINE (1916)
Instituées
par le Comité d’Action Parlementaire à l’Étranger, les Semaines de l’Amérique
Latine avaient pour objet l’étude des diverses questions d’ordre économique,
juridique, scientifique, littéraire et artistique, intéressant la France
et les Républiques sœurs d’Amérique Latine. Le nouveau rendez-vous annuel
prenait place, pour sa première édition, dans la
ville de Lyon ;
Bordeaux et Strasbourg devaient suivre. Pierre de Coubertin (1863-1937) en était
l’organisateur.
Pierre de
Coubertin pendant la Grande Guerre
Les
quatre années de guerre qui ensang
lantèrent
l’Europe auraient pu être fatales au jeune mouvement olympique. Le contexte
international entraîne pour
la première fois
l’annu
lation de Jeux Olympiques - ceux de 1916
- alors prévus à Berlin. Pierre de Coubertin, à
la
tête du Comité International Olympique, bien décidé à ne pas quitter le navire
pendant
la tempête
, entame
une stratégie qui le déchire entre son amour de
la
patrie et
la sauvegarde de l’œuvre de sa vie,
l’Olympisme. C’est à cette période également, qu’il transfère le siège du
Comité International Olympique de Paris à Lausanne (le 10 avril 1915).
Cinquantenaire
lors de l’entrée en guerre, il souhaite servir
la France
mais ne sera jamais envoyé au front. Albert Sarraut (1872-1962), Ministre de l’Instruction
Publique, le charge de
la formation morale
auprès des lycées, et accomplira à cette occasion un tour de France. De même, Pierre
de Coubertin supervise
la publication de
fascicules historiques à tonalité patriotique. En s’appuyant sur son réseau au
Ministère des Affaires Étrangères, mais de façon plus officieuse, il prend
contact auprès des responsables politiques espagnols et
latino-américains.
La raison ?, l’Europe malmenée, Pierre de Coubertin souhaite asseoir l’Olympisme
en divers endroits de
la p
lanète :
« Si la jeunesse
européenne venait à laisser
temporairement tomber de ses mains le flambeau
olympique, il se trouverait, de l’autre côté du monde, une jeunesse prête à le
relever ».
C’est dans ce contexte de
conquête sud-américaine que s’ouvre
la Première
Semaine de l’Amérique Latine à Lyon.
Le choix de
Lyon
« Lyon
a été choisi car c’est la
capitale de la civilisation latine ».
Le député d’Ille-et-Vi
laine Charles Guernier
(1870-1943) ne va pas par quatre chemins pour justifier
la
ville hôte et, cette phrase prononcée lors de son discours inaugural le 2
décembre 1916, sonne comme une évidence historique et symbolique. Et pourtant
bien d’autres raisons expliquent le choix de
la
capitale des Gaules. Pierre de Coubertin a eu l’occasion de se rendre à
plusieurs reprises à Lyon, pour
la simple et
bonne raison que
la ville s’était portée
candidate à l’organisation des Jeux Olympiques de 1920
. Il noua
une amitié certaine avec Édouard Herriot, Maire de Lyon et porteur du projet de
candidature. Le soir de l’ouverture de
la
Semaine de l’Amérique Latine, ce dernier se rappelle et fait
partager à l’auditoire :
« Il y a quelques semaines, presque
quelques mois, l’un de ceux qui sont ici ce soir, Monsieur Pierre de Coubertin,
auquel me lie une amitié qui m’est précieuse, venait nous exposer à Lyon
l’intérêt qu’il y avait à multiplier les relations
intellectuelles et économiques avec les grandes républiques qui dans l’Amérique
du Sud, se développent avec tant de luxuriance de toute façon et avec tant
d’avenir. Nous soumettre cette idée, c’était être assuré de la
voir accueillie de toutes les forces de mon esprit et de toute l’ardeur de mes
sentiments. J’ai accepté volontiers ».
Cette
amitié est également confirmée, quelques instants plus tard, par le député
Charles Guernier :
« Et par là, on comprendra que lorsqu’il s’est
agi dans les heures d’angoisse de pénétrer le grand drame de l’humanité, la
tâche a été simple, comme elle le fut lorsque notre excellent ami Monsieur de
Coubertin vint à Lyon demander à son distingué Maire l’hospitalité généreuse
dont nous jouissons aujourd’hui. Sans avoir besoin d’exprimer plus et préciser
davantage, les cœurs étaient d’accord avant que les lèvres eussent parlé ». L’é
lan
poétique du député manifeste
la belle entente
entre les deux hommes. Cette assurance garantira le succès de
la
manifestation. Avec le recul, et en lisant les
Mémoires de Pierre de Coubertin, on peut se demander si
la Semaine
de l’Amérique Latine ne constituait pas en fait le lot de conso
lation
pour
la Ville
de Lyon, à défaut de lui attribuer de prochains Jeux Olympiques
.
Quoiqu’il en soit, Édouard Herriot se souviendra encore, des années après, de
cette semaine
latino-américaine et de son
animateur :
« Je n’oublie pas que la
cité à laquelle je reste
attaché depuis tant d’années trouva en Pierre de Coubertin un remarquable
animateur à propos d’une Semaine de l’Amérique Latine qui ouvrit une nouvelle
fenêtre sur le monde. J’ai encore devant les yeux la
brochure que la municipalité de
Lyon offrit en souvenir reconnaissant à Monsieur de Coubertin ».
Conférences
et travaux entre deux Palais
La Semaine de l’Amérique Latine a été
officiellement inaugurée le samedi 2 décembre 1916 à 20 h 30, au Pais du
Conservatoire situé sur le Quai Bondy, en présence d’Édouard Herriot, Pierre de
Coubertin, Charles Garzon et de plusieurs personnalités sud-américaines telles
Eugène Garzon (ancien sénateur de l’Uruguay) et Graça Aranha (ancien ministre
du Brésil). A
la solennité des discours,
entrecoupées des interventions de l’harmonie municipale,
la
soirée se prolongea par les premières conférences. Pierre de Coubertin dressa
un panorama général historique intitulé «
Trois siècles d’histoire
Sud-Américaine », dont le texte - déjà publié - se verra réédité
gracieusement par
la ville de Lyon. Les jours
suivants, et jusqu’au 7 décembre, le Congrès se dép
laça
des bords de Saône à ceux du Rhône, dans le Pa
lais
de
la
Mutualité. Les questions économiques (commerces, transports
maritimes, finances) sont traitées par de nombreux spécialistes venus des deux
continents. La section intellectuelle aborde - quant à elle - des thématiques
aussi diverses que les Beaux Arts, l’Université,
la
presse, les questions juridiques, les questions médicales, les livres, ainsi
que les questions diplomatiques et politiques. L’ensemble des conférences, des
discours, et des préconisations est édité dans un copieux volume de 396 pages
.
Alors
que le contexte international était dramatique, l’élite politique, économique
et intellectuelle s’était donné rendez-vous à Lyon, avec l’espoir de jours meilleurs.
Édouard Herriot avait toutefois
remarqué un absent : le beau temps ! :
« J’étais
personnellement un peu honteux de voir l’autre soir, des hommes pour qui nous
aurions voulu tous les sourires du temps, toutes les splendeurs d’une belle
nuit d’automne, se glisser comme des ombres à travers un brouillard
qui semblait faire croire que
toute la voie lactée
était descendue du ciel sur la
terre… ».
Sylvain BOUCHET.
bouchet.syl@gmail.com
PIERRE DE
COUBERTIN, AMBASSADOR OF LATIN AMERICA (1916)
Instituted
by the Parliamentary Action Committee abroad, the Latin America Weeks aimed at the
study of various questions with economic, legal, scientific literary and
artistic issues interesting France and the sister Republics of Latin America.
The new yearly appointment took place, for its first edition, took place in Lyon; Bordeaux and Strasbourg were to follow. Pierre de Coubertin
(1863-1937) was the organiser.
Pierre
de Coubertin during WW1
The four
years which afflicted Europe might have been fatal to the young Olympic Movement. The international
context brought about the cancellation of the Olympics – those of 1916 – which
had been planned to take place in Berlin. Pierre de Coubertin, determined
not to leave the ship during the tempest (1), initiated a strategy which tore
his heart between his love for his country and the protection of the work of
his life, the Olympic Movement. It was also at that time that he transferred
the headquarters of the International Olympic Committee from Paris to Lausanne (on 10th April
1915). In
his fifties when war started, he wished to serve France but he was never sent to the front.
Albert Sarraut (1872-1962), then Minister of Public Education, asks him to take
the responsibility of moral training in high schools and, on this occasion, he
undertook a journey around France. Similarly, Pierre de Coubertin
supervised the publication of historical pamphlets with a patriotic tone. With
the support of his network at the Ministry of Foreign Affairs, in a less
official way, he contacted the Spanish and Latino American authorities. What
was the reason for this? Europe having a rough time, Pierre de Coubertin wished to see the Olympic
spirit spread in various places of the world. “If European youth happened to
drop the Olympic torch, there would be, on the other side of the planet, other
young people ready to lift it up”(2) It was in this South-Americain-conquering context
that the First Latin America Week opened in Lyon.
The
choice of Lyon
“Lyon was
chosen as it is the capital city of Latin civilisation”(3) The Member of
Parliament for Ille-et-Villaine Charles
Guernier (1870-1943) was clear about the choice of the host city and, this
sentence, pronounced in his maiden
speech on 2 December 1916, sounds like historical and symbolic evidence. And
yet many other reasons account for the choice of the capital of Gaul. Pierre de Coubertin visited Lyon on several occasions, for the
simple reason that the city had applied to host the Olympics of 1920 (4). He
struck up a close friendship with Edouard Herriot Mayor of Lyon who was the
initiator of the application for the project. On the evening of the opening of
the Latin America Week, the latter remembered and shared his memory with the
audience: “A few months ago to the day, one of the persons present here
tonight, Monsieur Pierre de Coubertin, with whom I share a precious friendship,
came to Lyon to tell us about the interest there was to multiply his
intellectual and economic relationship with the great republics which, in South
America, develop with so much luxuriance in so many ways and with a bright
future. Suggesting this idea was to be assured to see it accepted with all the
strength of my mind and the enthusiasm of my feelings. I readily agreed.”(5)
This
friendship was also corroborated, a few minutes later, by Member of Parliament
Charles Guernier: “Thereby, one will understand that when it was time, in the
hours of anxiety, to penetrate the great drama of humanity, it was no difficult
task, It was just the same as when our distinguished friend Monsieur de
Coubertin came to Lyon to look for the generous hospitality we enjoy today from
its eminent Mayor. We did not need to say more or be more accurate, our hearts
had agreed before our lips had spoken.”(6) The MP’s poetic surge testifies to
the sincere understanding between the two men. This was to guarantee the
success of the event. With the benefit of hindsight, and reading Pierre de
Coubertin’s Memoirs, one may wonder whether the Latin America Week was not, in
fact, a consolation for Lyon
for failing to grant the city the Olympics Games (7).
However,
Edouard Herriot would remember that Latin America Week and its organizer, years
later: “I will not forget that the city I have been attached to for so many
years saw Pierre de Coubertin as a remarkable organizer about the Latin America
Week which opened a window on the world. I still have the brochure the municipality of Lyon gave to Monsieur de Coubertin in
grateful memory before me.”(8)
Conferences
and work between two Palaces
The Latin
America Week was officially inaugurated on Saturday 2 December 1916 at 8.30 pm at
the Palais du Conservatoire located on quai Bondy, in the presence of Edouard
Herriot, Pierre de Coubertin, Charles Garzon (a former Senator of Uruguay), and
Graça Aranha (former minister of Brazil). After the solemnity of the speeches,
interrupted by the interventions of the municipal orchestra, the evening went
on with the first conferences. Pierre de Coubertin depicted a general historic
panorama entitled “Three centuries of South American History” the text of
which, already published, will be republished by the city of Lyon free of charge. The following days,
and, till 7 December the Congress moved from the banks of the River Saône to
those of the River Rhône, to the ‘Palais de la Mutualité’ The economic
questions were dealt with by many specialists coming from both continents. The
intellectual section addresses – on the other hand – various themes, such as Fine
Arts , University, the press, legal questions, medical questions, books, as
well as diplomatic and political
questions. The whole of conferences, speeches and recommendations was published
in a copious 396-page-long volume.
Whereas the
international context was tragic, the political, economic and intellectual
elite had a rendezvous in Lyon,
awaiting better days. Edouard Herriot had, nevertheless, noticed the absence of
good weather! :”The other evening, I was
personally somewhat ashamed to see men for whom we would have liked to see all
the smiles of the weather, together with
the splendour of a fine autumn night, move swiftly like shadows through some
fog which would have had us believe the milky way had come down to earth …”(9)
Sylvain
BOUCHET
Historian
bouchet.syl@gmail.com
_________________
1: Pierre de Coubertin, Mémoires Olympiques, Chapter XVI,
Bureau International de Pédagogie Sportive, Lausanne, 1931.
2: Pierre de Coubertin, Mémoires Olympiques, Chapter XVI,
Bureau International de Pédagogie Sportive, Lausanne, 1931.
3: Quotation of Charles Guernier.
4 : Cf Sylvain Bouchet, Les candidatures de Lyon aux
Jeux Olympiques de 1920 et 1924, Official Municipal Bulletin n°5885, 7 February
2011.
5 :Speech
by Edouard on the opening of the Congress of Latin America Week in Lyon on 2 december
1916.
6 :Speech
by Charles Guernier, Member of Parliament for Ille-et-Villaine, on the occasion
of the opening of the Congress of Latin America Week on 2 December 1916.
7: Pierre
de Coubertin had refrained from contradicting Edouard Herriot about the application
of the city for the 1920 Olympics. Official Municipal Bulletin n°5885.
8: Edouard
Herriot, preface to André Senay and Robert Hervet. Maison de Coubertin. SES Paris 1956.
9: Speech
by Edouard Herriot on the occasion of the closing of the Latin America Week in Lyon on 7 December
1916.